1. Les montagnesAux pages 180-182 de son livre, le Dr Bucaille consacre une section au « relief terrestre ». I1 y commente ainsi les versets coraniques décrivant les montagnes : « Les géologues modernes décrivent des plissements du sol, faisant prendre assise aux reliefs, et qui ont des dimensions variables allant jusqu'au kilomètre ou même à la dizaine de kilomètres. De ce phénomène de plissement résulte une stabilité de l'écorce terrestre. » Les versets qui sont examinés et qui ont trait aux montagnes sont les suivants : la Sourate des Prophètes (AI-Anbiyâ' ) 21.31 , de la période mecquoise intermédiaire : « Et Nous avons assigné des montagnes à la terre, parce qu'elle aurait bougé, et les gens avec. » La Sourate des Abeilles (Al-Nahl ) 16. 15, période mecquoise tardive : « Et Il a jeté des montagnes sur la terre, parce qu'elle aurait bougé et vous avec... » La Sourate de Luqmân 31.10, période mecquoise tardive : « I1 a créé les cieux sans piliers que vous puissiez voir ; et II a jeté des montagnes dans la terre, parce qu'elle avait bougé et vous avec... » La Sourate de la Nouvelle (Al-Naba' } 78.6-7, période mecquoise primitive : « N'avons-Nous pas désigné la terre pour berceau et les montagnes pour piquets de tente ? » (comme des pieux qui fixent une tente dans le sol, Bucaille, p. 182). La Sourate de l'Enveloppant (Al-Ghâshiya) 88. 17,19, période mecquoise primitive : « Ne regardent-ils pas... les montagnes comme elles sont dressées ?» Ces versets expriment clairement la conception suivante : Dieu a placé (ou même jeté) les montagnes sur la terre comme des piquets de tente pour empêcher la terre de bouger. On pourrait encore admettre que l'expression « jeter les montagnes » puisse être poétique, mais déclarer que les montagnes empêchent la terre de bouger constitue une « difficulté ». Voici la réponse d'un professeur de géologie, le Dr David A. Young, aux propos du Dr Bucaille cités au début de cette section : « S'il est bien vrai que de nombreuses chaînes de montagnes sont constituées de plissements rocheux (et effectivement les plissements peuvent atteindre de grandes largeurs), il n'est pas vrai de dire que les plissements rendent la croûte terrestre stable. L'existence même des plissements est la preuve de l'instabilité de la croûte terrestre »1 (caractères gras par l'auteur du présent livre). En d'autres mots, les montagnes n'empêchent pas du tout la terre de trembler. La formation des plissements montagneux a provoqué et provoque encore des tremblements à la surface de la terre. Les théories géologiques les plus récentes veulent que la croûte terrestre durcie soit formée de différentes plaques qui glissent les unes par rapport aux autres (à la vitesse approximative de la croissance de l'ongle). Parfois les plaques se séparent. La plupart des géologues pensent que c'est ce qui explique la séparation du continent nord-américain de l'Europe et du continent sud-américain de l'Afrique. Ailleurs, les plaques se dirigent les unes vers les autres, se heurtent, se déforment, se plissent et glissent les unes sur les autres. La chaîne montagneuse du Zagros constitue un bel exemple de ce type de formation de montagnes ; le plissement est né à la suite de la collision de la plaque de l'Arabie et de celle de l'Iran. La chaîne de l'Atlas, au Maroc et la chaîne des Alpes sont d'autres exemples de montagnes nées à la suite de la rencontre de plaques terrestres. En plusieurs endroits du globe, on a observé l'inclination des couches de grès dans certaines coupes de collines. Ces couches, qui étaient horizontales il y a des millions d'années lorsqu'elles ont été déposées au fond des mers, se trouvent maintenant inclinées à 30, 50 et même 90. Le diagramme X présente une formation géologique de ce type.
Ibn Sina' (Avicenne) écrivit, outre le Canon de la Médecine, une encyclopédie des sciences philosophiques Kitab âl Shifa' vers 412 de l'Hégire (1021 ap. J C.) dans laquelle il consigna ses observations sur ces strates. Il ne dit rien au sujet de l'inclinaison des couches, mais explique leur origine : « Il est possible qu'à chaque reflux des eaux de la mer, une couche était déposée, puisque nous constatons que certaines montagnes se présentent sous la forme d'un empilage de couches successives. Il est même probable que l'argile elle-même dont les montagnes sont formées se présentait aussi sous forme de couches superposées. Une couche a d'abord été déposée, puis longtemps après une autre couche sur la précédente et ainsi de suite... » 2 Parfois les plaques s'accrochent l'une à l'autre et cessent de glisser. Pendant cette phase, de gigantesques forces sont accumulées. Au moment où les forces de friction sont vaincues, il se produit une libération de l'énergie emmagasinée ; l'une des plaques momentanément immobilisée avance alors brusquement et provoque l'onde de choc d'un tremblement. On a calculé récemment que lors d'un des derniers tremblements de terre la plaque terrestre de Mexico a fait un bond de trois mètres. Lors d'autres tremblements de terre, les plaques s'effondrent ou se soulèvent. En 1923 un tremblement de terre dans la baie de Sagami, au Japon, entraîna la. destruction de la moitié de Tokyo. Dans un chapitre intitulé « Mortalité massive dans la mer », Brongersma-Sanders décrit les modifications géologiques dans ces termes : « Aucun autre tremblement connu n'a provoqué des modifications aussi importantes du fond marin à cet endroit. Dans la partie centrale de la baie de Sagami, `la zone pertubée est étendue, et le fond de la baie s'est effondré de 140 m à l'extrémité nord-ouest, de 180 m au centre et de 200 à 210 m à l'extrémité sud-est. Dans la portion nord-est, le soulèvement maximum atteint 250 m et dans la portion sud-ouest, 100 m' (chiffres tirés de Davidson, 1931, p. 94). »3 Ibn Sina', bien qu'il ait cru que les tremblements de terre étaient dus à des vents souterrains, n'en décrivait pas moins avec une grande exactitude les effets mentionnés ci-dessus : « La formation des sommets est due (a) à une cause essentielle..., le vent, qui engendre les tremblements de terre, soulève une partie du sol et un sommet surgit... » 4 Les volcans constituent un autre type de montagnes. La lave et les cendres sont propulsées de l'intérieur de la croûte terrestre et s'accumulent en montagnes, qui surgissent parfois du sein des mers. Les îles Hawaï sont des sommets volcaniques dont la base repose à 1500 m sous le niveau de la mer. Le cratère de Mauna Kea s'élève à 4200 m au-dessus de la mer. Parfois les volcans entrent en activité violente ; ils explosent. C'est ce qui s'est produit dans le Pacifique Sud, en 1883, quand l'île de Krakatoa disparut, entraînant la mort de 36 000 personnes. En d'autres circonstances, l'éruption volcanique s'accompagne de tels tremblements de terre localisés que toutes les villes avoisinantes sont totalement détruites. La ville de Catania, près du mont Etna, en Sicile, a connu huit destructions au cours de l'histoire. Ce sommet qui culmine à 3000 m est toujours en activité. En 1983, plus de 200 secousses furent dénombrées au cours d'une éruption prolongée ; l'écoulement des laves provoqua la destruction de nombreux villages. Que conclure ? La formation des montagnes à l'origine s'est accompagnée de grandes pertubations et de violentes secousses. Aujourd'hui, certains tremblements de terre sont dûs à la poursuite de leur formation. Quand les plaques souterraines se déforment au contact les unes des autres, il se produit des tremblements de terre. Quand les volcans entrent. en éruption leur activité peut s'accompagner de tremblements de terre. Le Dr Torki étudie, lui aussi, ces versets5. Son désir de trouver une explication scientifique à des textes difficiles est méritoire ; mais cette fois-ci il a succombé. Lui aussi, à la tentation de citer un verset hors de son contexte pour pouvoir déclarer qu'il y a concordance entre le Coran et la science moderne. Au terme de plusieurs paragraphes consacrés à l'étude du mouvement des plaques de la croûte terrestre (en précisant que la vitesse de déplacement de ces plaques atteint quelques cm par an), il affirme que ce phénomène était parfaitement annoncé et décrit par le Coran, dans la Sourate des Fourmis (Al Nam1 ) 27.88, de la période mecquoise intermédiaire : « Et tu verras les montagnes ! Tu les compteras pour figées, alors qu'elles marcheront de la démarche du nuage. » Mais si nous rattachons ce verset au contexte du verset précédent, nous constatons d'emblée que sa signification en est modifiée : « Et le jour où l'on soufflera dans la trompe ! Puis ils seront effrayés, tous ceux qui sont dans les cieux et tous ceux qui sont sur la terre, sauf qui Dieu veut ! Et tous viendront à Lui en s'humiliant. Et tu verras les montagnes ! Tu les compteras pour figées, alors qu'elles marcheront de la démarche du nuage. » L'allusion aux trompettes retentissantes, à la frayeur qui s'emparera des habitants des cieux et de la terre, indique clairement que ces versets s'appliquent aux cataclysmes qui accompagneront la période des jugements, au cours desquels les montagnes elles-mêmes seront ébranlées jusque dans leurs fondements. Il est donc très peu probable que cette description ait quelque chose à voir avec les théories géologiques contemporaines. Précisons encore que la plupart des nuages avancent à une vitesse supérieure à quelques centimètres par an ! Il est possible que des auteurs musulmans, des théologiens et des hommes de science élaborent de nouvelles théories et posent de nouveaux présupposés sur la formation des montagnes, qui puissent les satisfaire, mais il faut reconnaître que cette question des montagnes pose problème. 2. Les sept cieuxEn plusieurs endroits, le Coran mentionne les « sept cieux ». Le Dr Torki en fait l'inventaire suivant : La Sourate de Noé (Nüh ) 71.15-16, période mecquoise primitive :
Sourate de la Royauté (Al Mulk ) 67.3, période mecquoise intermédiaire :
Sourate des Croyants (Al Mü'minün) 23.17, 86, période mecquoise tardive :
Sourate des Détaillés (Ha Mim Al Sajda) 41.12, période mecquoise tardive :
Sourate du Voyage nocturne (Al Isrâ'), an 1 avant l'Hégire :
Sourate de la Vache (Al Baqara) 2.29, an 2 après l'Hégire :
On pourrait facilement concevoir que ces versets sont essentiellement poétiques ; mais le Dr Torki s'efforce de montrer qu'ils expriment une connaissance des données astronomiques modernes 6. Il coupe l'espace qui est au-dessus de la terre en sept tranches. La première est constituée de l'atmosphère terrestre qui atteint une hauteur de 40 km : c'est le premier ciel. Il multiplie ensuite l'épaisseur de l'atmosphère terrestre par 10 000 et définit ainsi le ciel lunaire, ou deuxième ciel. En multipliant à son tour l'épaisseur de celui-ci par 10 000, il obtient le troisième ciel, ou ciel solaire. En poursuivant son opération de multiplication par 10 000 chaque fois, il propose le « ciel des plus proches étoiles », le « ciel galactique » (qui a les dimensions de notre galaxie), le « ciel des plus proches galaxies » et pour terminer le « ciel cosmique ». Ce schéma fournit évidemment les sept divisions, mais il ne résiste pas à un examen attentif. On pourrait encore admettre que l'atmosphère autour de la terre soit le premier ciel et tout le reste le second. Toute autre subdivision reste arbitraire, car au-delà de l'atmosphère terrestre, l'espace est continu et qualitativement identique à lui-même, comme le reconnaît d'ailleurs Torki. C'est donc faire un présupposé que de séparer l'espace continu en ciel lunaire et ciel solaire. C'est encore faire un présupposé que de différencier le soleil, qui est une étoile, des autres étoiles proches ou de la galaxie qui le contient. C'est toujours faire un présupposé que de désigner notre galaxie de ciel , et les autres galaxies, d'autre ciel. Même le nombre 10 000 par lequel toutes les dimensions ont été multipliées est un présupposé tout à fait arbitraire ; aucune raison scientifique n'est fournie pour expliquer ce choix ; il n'a d'ailleurs aucun rappport avec les nombres spirituels tels que « 7 » ou « 19 » mentionnés ailleurs par le Dr Torki. L'erreur ne réside pas dans le fait des présupposés. La raison d'être de ce chapitre est plutôt de montrer que nous en faisons tous. Mais ces présupposés ne s'avèrent pas convaincants. Ce qu'il faut souligner davantage, c'est que, d'un point de vue musulman l'hypothèse du Dr Torki ne s'accorde pas avec l'affirmation des versets suivants : Sourate des Rangés en rangs (Al-Sâffat) 37.6, de la période mecquoise primitive :
Sourate des Détaillés (Hâ Mim Al-Sajda) 41.12, période mecquoise tardive :
Sourate de la Royauté (A1-Mulk ) 67.3, 5, période mecquoise intermédiaire :
A la page 118 de son livre, le Dr Torki assimile ces « lampes », que le Coran situe dans le plus proche des sept cieux, aux étoiles7, ce qui contredit sa propre division hypothétique de l'espace, puisqu'il place les étoiles dans les cinq cieux extérieurs. La Bible parle à plus de 700 reprises des cieux. Une seule fois, elle fait état de plus d'un seul ciel. Ce texte se trouve dans l'Evangile-Nouveau Testament où Paul écrit ce qui suit : « Je connais un homme en Christ qui, voici quatorze ans - était-ce dans son corps ?je ne sais ; était-ce hors de son corps ?je ne sais, Dieu le sait - fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et je sais que cet homme... fut enlevé dans le paradis et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer » (2 Corinthiens 12.2-4). L'expression désigne les cieux spirituels et n'a rien a voir avec la création matérielle. Même si le mot « paradis » n'avait pas été employé dans ce passage, on aurait pu identifier le « troisième ciel » à une réalité spirituelle ; car quel intérêt aurait eu ce chrétien à être propulsé à un endroit quelconque de la galaxie ?
Nous avons déjà effleuré ce sujet au chapitre II de la première section. Nous allons approfondir cette question maintenant. Citons tout d'abord les textes du Coran qui mentionnent ces astres. Sourate des Rangées en rangs (Al-sâffât ) 37.6-10, période mecquoise primitive :
Sourate des Djinns (Al-Jinn) 72.8-9, période mecquoise tardive :
Sourate de la Royauté (Al-Mulk) 67.5, période mecquoise intermédiaire :
Sourate Al-Hajr 15. 16-18, période mecquoise primitive :
Sourate de l'Arrivant du soir (Al- Tariq) 86.2-3, période mecquoise primitive :
Le contexte de ce dernier verset n'apporte aucune information complémentaire sinon la mention « flamboyant ». C'est pourquoi nous l'avons cité pour compléter la liste des références ayant trait à ce sujet. Du point de vue scientifique la désignation populaire « astre ou bolide flamboyant » s'applique à deux sortes principales d'objets célestes : les météores et les météorites. A. Les météores.Ce sont les plus répandus. Ils sont rarement plus volumineux qu'une tête d'épingle. Lorsqu'ils traversent la couche atmosphérique à la vitesse de 30 km/s, ils deviennent incandescents par suite de la friction avec les molécules de l'air et se consument. Les plus petits d'entre eux, ayant moins de 1/20 de mm de diamètre ralentissent leur course sans se consumer et tombent sur la terre sous forme de micro-météorites. On en a retrouvé des traces et certaines de ces particules comportaient un alliage fer-nickel avec une proportion de nickel atteignant 60 %. En plus de ces météores sporadiques, on connaît des pluies de météores. On pense, sans preuve à l'appui, que ces pluies de météores proviennent des débris d'anciennes comètes. Lorsque la terre traverse cette zone de débris, les météores qui apparaissent suivent des trajectoires parallèles, même s'ils semblent plutôt se disperser, à la manière d'un feu d'artifices, à partir d'un point situé juste au-dessus de l'horizon. D'après Robert Hutchinson, conservateur des météorites au British Museum, ces météores seraient constitués d'eau sous forme de glace, d'ammoniaque gelé, de méthane et de gaz carbonique également gelés 8. Yusuf Ali, Pickthall et Hamidullah ont tous indiqué, soit directement dans leurs traductions, soit dans des notes explicatives, que le mot arabe d'origine se référait à des météores. B. Météorites.Ce sont des débris solides de matière qui sont capables de traverser les couches de l'atmosphère et atteindre le sol. Au moment de la traversée des couches atmosphériques à grande vitesse, la matière périphérique fond et s'écoule. Ainsi s'explique leur apparence d'étoiles filantes. Peut-être est-ce à ces météorites que le texte du Coran cité plus haut fait allusion (le visitant du soir, astre flamboyant). Il existe trois types principaux de météorites :
La difficulté ne réside pas au niveau de l'aspect scientifique ni de la composition des météores et météorites. Le problème, c'est de savoir de quoi parle le Coran ! Le mot « rajim » , traduit généralement par « maudit » dans les traductions modernes vient du verbe « lapider ». C'est ainsi que le professeur Hamidullah traduit la Sourate 67.5 : « Et Nous les avons désignés comme moyens de lapider les diables... » Comment comprendre alors ces textes qui décrivent Dieu jetant des météores, qu'ils soient composés de dioxide de carbone ou de l'alliage ferro-nickel, sur des diables non matériels qui prêtent I'oreille aux délibérations du conseil céleste ? Comment interpréter les trajectoires parallèles des pluies de météores ? Représentent-ils un régiment de diables bien alignés ? Questions ardues.
a) Les jours coraniques de la CréationAu chapitre II de la première section, nous avons déjà abordé la question du sens du mot « fumée » en relation avec les jours de la création. Nous allons maintenant nous intéresser de plus près au nombre des jours de la création et à leur succession. Sept textes parlent de la création des cieux et de la terre par Dieu, en six jours : 7.54 ; 10.3 ; 11.7 ; 25.59 ; 32.4 ; 50.38 et 57.4. Il nous suffira de citer la Sourate de Jonas (yunus) 10.3, de la période mecquoise tardive, car elle résume les données fournies par les autres textes.
Nous n'avons rien à redire à cette affirmation. Mais la Sourate tardive des Détaillés ( Ha-Mim Al-Sajda) 41.9-12 rapporte différemment le récit de la création :
Point n'est besoin d'être un génie en mathématiques pour se rendre compte, à la lecture de ce passage, que Dieu a fait la terre en deux jours, et la nourriture nécessaire à toutes les créatures, en quatre jours. Six jours ont ainsi été consacrés à la création. Mais ensuite seulement, après que les montagnes et la nourriture - probablement plantes et animaux - furent créés, Dieu créa les sept cieux en deux jours. Le total des jours de la création atteint donc huit. Nous sommes donc apparemment en présence d'une contradiction. A sept reprises, le Coran avait affirmé que Dieu avait créé la terre et les cieux en six jours. La Sourate 41 prétend que la création a duré huit jours. Comment concilier les deux versions du même événement ? Conformément au principe énoncé par Aristote, et rappelé à la fin du chapitre II de la deuxième section, nous accorderons le bénéfice du doute à l'auteur et non au lecteur que nous sommes. C'est pourquoi il semble logique d'émettre le présupposé que dans la pensée de Muhammad, certains de ces jours se superposaient, et que le total des jours de la création n'excédait pas six. Il n'en demeure pas moins que subsiste le problème de la formation, du refroidissement de la terre, de l'apparition de la nourriture, avant la formation des cieux. Cette séquence de l'oeuvre créatrice apparaît aussi dans la Sourate de la Vache (AI Baqara) 2.29 :
Je laisse à d'autres le soin de trouver une solution à ce problème. b) Les jours bibliques de JonasIl se trouvera peut-être quelque lecteur qui se demande pourquoi je consacre tellement de temps à un fait qui a si peu d'importance ! Tout simplement parce que le Dr Bucaille consacre une page entière9 pour souligner un problème chronologique similaire dans l'Evangile- Nouveau Testament. Voici ce qu'il écrit : « C'est peut-être chez Matthieu qu'on trouve l'invraisemblance la plus caractérisée et la moins discutable de tous les évangiles qu'un de leurs auteurs ait mis dans la bouche même de Jésus. Il raconte ainsi, en 12.38-40, l'épisode du si gne de Jonas :
Jésus annonce donc qu'il restera en terre « trois jours et trois nuits ». Le Dr Bucaille poursuit en montrant que d'après l'évangile de Matthieu, Jésus a été crucifié un vendredi, qu'il est resté dans le tombeau la nuit de vendredi, la journée de samedi, la nuit de samedi et qu'il est ressuscité tôt le dimanche matin. II y a donc bien partiellement trois jours, mais seulement deux nuits. Jésus avait prophétisé qu'il mourrait et qu'il serait dans le sein de la terre trois jours et trois nuits, à la fin de l'hiver ou au début du printemps de l'année 29, juste avant la Pâque juive. Environ six mois plus tard, il reparla de sa mort dans ces termes précis :
Une semaine ou dix jours plus tard, Jésus répéta la même prophétie (Mt 17.22-23). Enfin, environ dix jours avant la Pâque, il déclara :
Le Dr Bucaille ne peut admettre que les expressions « le troisième jour » et « trois jours et trois nuits » puissent recouvrir la même signification. I1 voit donc là une grande contradiction ! Peu lui importe que Jésus ait annoncé d'avance sa mort et sa résurrection. Le point important, c'est que Jésus s'est trompé dans ses calculs ! Mais sommes-nous si sûrs que Matthieu ait tort ? Ne devons-nous pas d'abord accorder le bénéfice du doute à l'auteur et nous demander ce que Matthieu et Jésus et d'autres écrivains du premier siècle entendaient par « trois jours et trois nuits » ou par « le troisième jour » ? D'après A.T. Robertson10, « Les Juifs avaient la coutume bien connue de compter une partie d'un jour comme un jour entier... Ainsi, une partie du dimanche comme un troisième jour. » Cette habitude est encore répandue en Afrique du Nord. Si j'interroge un malade, qui souffre depuis samedi soir et vient me consulter le lundi matin : « Depuis combien de temps souffrez-vous ? » ; il me répondra invariablement « trois jours », même si, en réalité, cela fait moins de 48 heures. Cette conception de la durée correspond à celle que partageait Jésus dans l'Evangile. Ajoutons que si le Dr Bucaille avait lu attentivement l'Evangile de Matthieu, il aurait trouvé une troisième allusion qui donne la réponse. Nous lisons en Matthieu 27.62-64 :
Les ennemis de Jésus placent dans sa bouche l'expression « après trois jours, je ressusciterai ». Cela équivaut à « après trois périodes de 24 h » ou « trois jours ou trois nuits » . Mais l'auteur prend le soin de donner une expression synonyme, en rapportant le désir des ennemis de voir le tombeau gardé « jusqu'au troisième jour ». Sur le plan strictement linguistique chacune des trois expressions est parfaitement équivalente aux deux autres. Il n'y a donc aucune raison de refuser le bénéfice du doute à l'auteur. Enfin, il existe un troisième argument, d'ordre spirituel, qui s'est avéré convaincant pour de nombreux chrétiens. Tout au début de son ministère public, fin de l'année 26 ou début de l'année 27 Jésus fut invité à une noce à Cana. Marie, sa mère, le supplia de venir en aide à l'hôte qui était à court de vin. Jésus répondit admirablement à l'attente de sa mère et de son hôte, mais il ajouta une remarque : « Mon heure n'est pas encore venue » (Jean 2.4). Trois ans plus tard, le jeudi soir, juste avant son arrestation, Jésus dit à ses disciples : « C'en est fait. L'heure est venue ; voici que le Fils de l'Homme est livré aux mains des pécheurs » (Marc 14.41). De quelle heure Jésus parlait-il ? Pour les chrétiens, cette heure exprime les souffrances et la mort de Christ pour leurs péchés. Les souffrances lui furent infligées le jeudi soir, au moment de son arrestation, peu après qu'il eût dit : « L'heure est VENUE » . Cette heure s'est poursuivie avec les coups, la torture et la mise à mort sur la croix, jusqu'à la résurrection. Entre le moment où Jésus déclara : « Mon heure est venue », le jeudi soir et celui où il ressuscita des morts avec puissance, le dimanche matin, il s'est bien écoulé « trois jours et trois nuits ». Que le lecteur soit convaincu ou non par ce dernier argument, il faut admettre ceci : Si on peut poser comme « présupposé » que dans le Coran « huit jours » peuvent signifier la même chose que « six jours » , il n'y a aucune raison de ne pas agir de même pour un texte de la Bible. L'usage courant et le « présupposé » de l'analogie des Ecritures peuvent expliquer que les expressions « trois jours et trois nuits » , « après trois jours » et « le troisième jour » soient strictement équivalentes.
1 Professeur de géologie au Calvin College, Grand Rapids, Michigan. Communication personnelle.[retourner au texte] 2 A Source Book on Medieval Science, Edward Grant, Harvard Uiniversity Press, 1974, p.620.[retourner au texte] 3 Treatise on Marine Ecology and Paleoecology, vol 1, Geological Society of America Memoir 67, 1957, p 976.[retourner au texte] 4 (Avicenne) Grant, op. cit., p. 619.[retourner au texte] 5 Torki, op. cit., pp. 131-133.[retourner au texte] 6 Ibid, pp. I 11-114.[retourner au texte] 7 Ibid., p. 118.[retourner au texte] 8 The Search For Our Beginnings, Hutchinson, Oxford U. Press, 1983.[retourner au texte] 9 La Bible, le Coran et la Science, p. 71.[retourner au texte] 10 A Harmony of the Gospels for Students of the life of Christ, Harper and Row, New-York, l922, p. 290.[retourner au texte] |