Dans le précédent chapitre nous avons laissé nos amis imaginaires en proie à de bien troublantes réflexions. Les questions qu'ils se posent semblent défier la raison. En effet, si Jésus est le « Messie » pourquoi s'est-il esquivé lorsque les juifs ont voulu faire de lui le roi ? Nous avons déjà examiné trois prophéties, faites par trois prophètes différents, mais affirmant chacune que le Messie serait un roi de la famille de David ; alors nous sommes en droit, nous aussi de nous poser la question : Pourquoi a-t-il refusé ? La réponse à cette interrogation se trouve dans d'autres prophéties qui décrivent le « Messie » comme un serviteur juste qui devait souffrir et mourir. La première de ces prophéties que nous allons considérer a été écrite par le prophète Daniel, quelque 600 ans environ av. J.-C.
L'expression « et il n'aura personne pour lui » a été l'objet de traductions différentes : « mais non pas pour lui-même » ou « pas de successeur ». Quelle que soit la traduction envisagée, elles suggèrent toutes que l'Oint n'établira pas son royaume en ce temps-là, et que tout ce qui surviendra aura pour but de mettre fin au péché, d'expier la faute et d'amener la justice éternelle. La deuxième prophétie a été écrite par Esaïe vers 750 av. J.-C. On peut la voir sur la photo 8. Ce manuscrit a été trouvé dans les grottes de Qumrân en 1948. Il s'agit d'un texte copié probablement 150 ans avant que Jésus commence à prêcher. Pendant 2000 ans, ce document était caché dans les grottes creusées dans les falaises qui bordent la mer Morte. Il est donc exclus que quelqu'un ait pu changer quoi que ce soit à cette portion de la Parole de Dieu. Nous avons la certitude la plus absolue qu'il constitue une partie de la Torah-Ancien Testament qui, d'après le Coran lui-même, était « ENTRE LES MAINS » de Jésus. On y lit ceci :
Esaïe prophétise donc la venue d'un serviteur juste qui mourra pour porter le péché de beaucoup et pour intercéder en faveur des coupables. Un écrivain juif devenu chrétien, Stanley Rosenthal, fait état de cette contradiction apparente entre l'idée d'un roi puissant et celle d'un serviteur souffrant, et décrit dans les lignes suivantes, les efforts des savants juifs pour concilier les deux descriptions :
Comment concilier ces deux descriptions ? Un juif vivant au premier siècle n'avait pas la clé de ce mystère avant que Jésus ne l'ait révélée. Jésus a expliqué à ses disciples qu'il était venu une première fois, lui, le Fils de l'homme, pour « être ôté » , pour « porter le péché de beaucoup ». Puis plus tard qu'il reviendrait du ciel avec puissance pour établir son royaume sur la terre. Ce que les rabbis considéraient être deux « messies » n'était en fait que les deux phases du ministère du seul « Messie », Jésus de Nazareth. Ceci étant clairement établi, retournons auprès de notre ami Elias à Naïn. Discussions à JérusalemVous vous souvenez de ce rabbi dont je vous ai entretenu, ce Jésus de Nazareth ? Les choses ne font que s'embrouiller. L'autre jour est venu de Jérusalem un homme à qui j'ai vendu du petit bétail. Comme il avait grandi à Naïn, il connait tout le monde. C'est pourquoi, tous les ans, avant la Pâque, il vient à Naïn pour acheter les agneaux d'un an les plus robustes et les plus sains en vue des sacrifices qui seront offerts lors de la Pâque. Bref, lors de sa visite, cet homme me fit part de quelque chose à vous donner le vertige. Quelques mois plus tôt, au cours de la Fête des Tabernacles, Jésus était dans le temple et enseignait la foule. Il dit entre autres :
Aussitôt, quelques-uns de nos théologiens, stupéfaits de ces propos lui demandèrent que veux-tu dire `Nous n'avons jamais été esclaves de personne ; comment peux-tu dire : Vous deviendrez ` libres ?'
Un peu plus tard, selon mon acheteur de brebis, il leur déclara :
A l'ouïe de ces paroles, les chefs religieux furent abasourdis et irrités. Ils s'écrièrent :
Jésus leur répliqua :
Notez bien maintenant la réponse que Jésus leur fit. Sans hésiter un seul instant, et sur le ton le plus naturel qui soit, comme si la chose allait de soi, il leur dit :
Il s'est donc désigné lui-même par l'expression « JE SUIS » ! Mais « JE SUIS » c'est précisément le nom que Dieu avait révélé en parlant de lui-même. Aucun homme n'a jamais porté ce nom ! Le commerçant de petit bétail a ajouté que plusieurs des chefs , suite à ce qu'ils avaient entendu, se mirent à ramasser des pierres pour `le lapider', car ils estimaient qu'il avait blasphémé3. Mais ils semblaient comme engourdis dans leurs réactions, et Jésus en profita pour s'abriter derrière un pilier, puis il sortit du temple (Jean 8.51-53, 56-59)4. Certes, toute autre personne qui aurait prononcé de telles paroles aurait blasphémé, mais lui ? Par quel pouvoir faisait-il ses miracles ? Notre acquéreur d'agneaux poursuivit son récit. Le lendemain, nous dit-il, Jésus guérit un homme qui était né aveugle, et qui, de ce fait, n'avait jamais rien vu, incapable de différencier le rouge du bleu, ou le noir du blanc. Lorsque Jésus se fut approché de l'aveugle, il avait dit à ses disciples :
Après avoir prononcé ces paroles, il cracha sur le sol, fit de la boue avec sa salive et l'appliqua sur les yeux de l'aveugle. Puis il lui dit :
Quelques personnes l'aidèrent à se lever et le mirent sur la bonne direction. `Il y alla, se lava, et quand il revint, il voyait.' C'est aussi simple que cela, même pour un homme qui n'avait jamais rien vu de sa vie. Un peu plus tard, ce même jour, quelqu'un interrogea Jésus sur ce miracle. Il lui répondit :
Nous avions l'impression que le miracle devait illustrer une leçon (Jean 9.1, 5-7, 39a). C'est ainsi que procède Jésus. Un jour il fait des déclarations fracassantes et incroyables, et le lendemain il accomplit un miracle surprenant. Notre commerçant nous rapporta aussi que juste avant de se mettre en route pour venir à Naïn, il avait entendu Jésus parler de sa mort en des termes qui faisaient penser que pour lui, elle s'inscrivait dans un plan bien établi.
Qui pouvait bien comprendre ces paroles ? Certes Jésus avait l'habitude d'employer un langage allégorique, mais il ne fait de doute pour personne qu'il déclarait bien certaine sa mort et certain aussi son retour à la vie. A quel genre de Messie avons-nous affaire ? Et pourquoi ? A ce propos, l'acheteur de nos brebis a convenu qu'une grave discussion avait éclaté dans le temple.
Les propos de notre visiteur me rassurèrent quelque peu. Certes j'étais toujours aussi perplexe, mais d'après tout ce qu'il venait de me raconter, je n'étais pas le seul, puisque nos chefs religieux aussi se posaient beaucoup de questions au sujet de Jésus. Un jour, n'y tenant plus, ils lui posèrent franchement la question :
Un autre fait marquant dont notre marchand entendit parler fut la guérison de dix lépreux.
Mais voilà ! Comment concevoir « que le Père est en lui, et lui dans le Père » ? Cette prétention me paraît si énorme que je ne peux pas trop en vouloir à ceux qui cherchaient à le lapider. Mais je ne peux m'empêcher non plus de remarquer qu'il donne toujours l'impression que ses paroles sont vraies et qu'il cherche à les faire pénétrer dans le coeur de ses auditeurs. En fait tout se passe comme s'il était lui-même la vérité en face de vous. Enfin, notre marchand nous raconta encore un fait troublant, dont a été témoin l'un de ses amis, qui est aussi un disciple de Jésus, non l'un des douze, mais l'un des soixante-dix. Ce disciple rapporta au commerçant qu'un jour, en se dirigeant vers Jérusalem, Jésus avait annoncé à ses douze intimes que
Pourquoi voulait-il prophétiser sa propre mort ? C'est impensable ! N'avait-il pas le pouvoir d'opérer des miracles ? N'avait-il pas, d'un mot adressé au vent et aux vagues, calmé une tempête ? (Marc 4.37-41). Revêtu d'un tel pouvoir, il pouvait bien faire en sorte que personne ne mette la main sur lui. Il pouvait empêcher quiconque de lui faire du mal et de le mettre à mort. Il est vrai que j'ai entendu il y a fort longtemps, un rabbi parler d'un « messie » souffrant, mais je lui ai rétorqué que c'était une idée ridicule. Car j étais persuade que si quelqu'un se prétendait « Messie », alors il viendrait pour régner et pour chasser ces maudits Romains incirconcis ! Devant ma détermination, le rabbi n'osa pas insister, mais je l'entendis néanmoins murmurer quelque chose au sujet d'un « juste serviteur souffrant ». Vous savez, je réfléchis constamment à ces questions qui me trottent dans la tête, et je le fais d'autant plus volontiers quand je trais mes vaches et mes chèvres. Je me demande parfois ce que sera la vie sous le règne d'un tel roi. C'est vrai que le jour où il a nourri les 5000 personnes certaines de ses paroles étaient sévères et graves. Mais quand il a parlé de Dieu comme un Père qui nous aime, ah ! qu'il était rassurant ! J'ai gardé précieusement le souvenir de cette leçon :
Ah ! j'allais oublier ! J'ai encore de bonnes nouvelles à partager. Mon oncle, qui vit près de Cyrène, en Libye, et que nous n'avons pas revu depuis 15 ans, nous rendra visite prochainement. II a l'intention d'assister aux fêtes de la Pâque et de la Pentecôte. Je ne pourrai sans doute pas l'accompagner pour la fête de Pâque car ce sera à mon tour de garder mon troupeau et celui de mes deux frères. Mais si le Seigneur le permet, j'irai avec mon oncle à Jérusalem pour la Pentecôte. J'espère, à cette occasion, entendre à nouveau ; Jésus. Car, au fond de moi-même, je pense qu'il rend témoignage à la vérité, et tout le monde le sait.
1 Ou 70 x 7 années prophétiques.[retourner au texte] 2 One God or Three? de Stanley Rosenthal, Christian Litterature Crusade, Inc. Fort Washington, Pa., 1978 ; p. 63.[retourner au texte] 3 La lapidation est le châtiment prévu par la Torah en cas de blasphème (Dt 13.6-10). [retourner au texte] 4 Ces versets figurent sur la photo 3 (Codex Vaticanus du milieu du 4° siècle), à la page 146.[retourner au texte] |