Nous avons vu, au cours du chapitre précédent, que certains rabbis juifs croyaient en un Messie qui viendrait pour souffrir et pour intercéder. Pourtant, quand nous autres, chrétiens, affirmons que Jésus est le Messie qui est venu pour intercéder en faveur de tous ceux qui l'acceptent comme Sauveur, les musulmans répondent généralement : « Non, c'est Muhammad qui a le pouvoir d'intercéder. » Le directeur d'une école primaire en Tunisie m'a affirmé qu'aucun musulman ne resterait en enfer, parce que Muhammad interviendrait en faveur de chacun d'eux. Lorsque les chrétiens disent que seul Jésus a le droit d'intercéder parce qu'il était parfait et sans péché, on leur rétorque presque toujours : « Mais tous les prophètes sont préservés ou gardés (ma`sicum ) du péché. » Au chrétien qui déclare que Jésus est mort pour nos péchés, le musulman réplique souvent que Dieu ne permettra pas qu'un seul de ses prophètes choisis soit mis à mort. Nous allons donc revenir au Coran et examiner quel est son point de vue sur ces affirmations, en commençant par la dernière. Dieu a-t-il jamais permis que ses prophètes choisis soient mis à mort?Huit versets du Coran traitent de ce sujet. Ils semblent tous adressés aux juifs. Sourate de la Vache (AI Baqara) 2.91, de l'an 2 de l'Hégire :
Sourate de la famille d'Amram (Al `Imrân) 3.112, de l'an 3 de l'Hégire :
Même Sourate, verset 181 :
Sourate des Femmes (Al Nisâ' ) 4.155, de l'an 5-6 de l'Hégire :
Dans la Sourate de la famille d'Amran (Al `Imrân) 3.21, de l'an 3 de l'Hégire, nous découvrons une accusation plus générale. Car outre les prophètes, les incroyants cherchent à tuer des profanes qui commandent la justice :
Enfin, dans un troisième groupe de versets, nous apprenons qu'en plus des prophètes, des apôtres (ou messagers) ont aussi été mis à mort. Sourate de la Vache (AI Baqara) 2.87, de l'an 2 de l'Hégire :
Sourate de la famille d'Amram (AI `Imrân) 3.183, de l'an 3 de l'Hégire :
Sourate du Plateau servi (AI Ma'ida) 5.70, de l'an 10 de l'Hégire :
De ces huit versets on peut déduire (a) que des personnes justes qui enseignaient la justice (b) que des prophètes de Dieu, et (c) que des apôtres (ou messagers) de Dieu ont été tués, à une époque ou à une autre, et souvent par la main des chefs juifs. Le prophète Yahyâ Ibn Zakarïyâ (Jean-Baptiste) illustre bien cette vérité. Bien que sa mort ne soit pas mentionnée dans le Coran, elle est attestée à la fois par l'Evangile et par l'historien juif Flavius Josèphe. Dans son livre Histoire Ancienne des Juifs, au livre XVIII et au chapitre 7, Josèphe écrit :
Les mots en italiques sont, à peu de choses près, les synonymes de l'expression coranique « ceux qui commandaient la justice ». Nous devons donc honnêtement conclure qu'un musulman qui prétend que Dieu ne peut pas admettre qu'un de ses prophètes ou qu'un de ses messagers - Jésus, par exemple - soit tué, est totalement dans l'erreur. Le Coran témoigne que le Seigneur Souverain et Tout-Puissant a toléré ces crimes dans le passé. Les prophètes sont-ils préservés (ma`sum) du péché ?l. Selon les musulmans, Adam était le premier prophète. Le Coran affirme pourtant qu'il a été chassé du jardin céleste parce qu'il avait péché. C'est ce que déclare la Sourate Ta-Ha 20.120-121, de la période mecquoise intermédiaire :
Bien que les noms d'Adam et d'Eve ne figurent pas explicitement dans la Sourate de AI A`raf 7.189-190 de la période mecquoise tardive, il semble cependant assez évident que c'est bien d'eux qu'il s'agit (ainsi qu'en 4.1 qui reprend la même expression) :
Mais pour l'islam, « assigner à Dieu des associés » équivaut à commettre le péché impardonnable. C'est un péché plus grave que la rébellion. 2. De Noé, il est écrit dans la Sourate mecquoise tardive de Houd 1 1.45-47 :
Que conclure de ce récit ? La requête de Noé pour que son fils incroyant soit épargné est si naturelle, si humaine, si normale que nous avons de la peine à y voir une attitude coupable, un péché. Pourtant Dieu le reprend sévèrement, et Noé reconnaît qu'il a péché en refusant d'accepter la volonté de Dieu. C'est pourquoi il implore la miséricorde et le pardon de Dieu. 3. Nous pouvons aussi citer Abraham, le père des trois grandes religions monothéistes. La Sourate d'Abraham (Ibrâhim) 14.41 rapporte une de ses prières :
Dans la Sourate des Poètes (AI-Shu`arâ') 26.77,81-82, de la période mecquoise intermédiaire, il déclare :
Abraham ne sollicite pas un pardon au sens général, comme c'était le cas dans la première citation du patriarche, mais le pardon pour sa faute personnelle. 4. Moïse lui-même, le grand messager de Dieu, celui auquel Dieu parlait « face à face » a été réprimandé. La Sourate du Récit (AI-Qasas) 28.15-16, de la période mecquoise tardive rapporte ceci :
D'après Yusuf Ali, Moïse n'avait pas prémédité ce meurtre de l'Egyptien, il avait uniquement voulu porter secours au Juif. C'est pourquoi Moïse demande à Dieu pardon d'avoir tué cet homme. 5. Arrêtons-nous encore à l'exemple de David, l'auteur des Zabür ou Psaumes. Voici ce que rapporte la Sourate de Sâd 38.21-25, de la période mecquoise primitive :
Pour Yusuf Ali, il ne s'agirait pas dans ce récit de l'adultère que David commit avec Bathshéba suivi du crime perpétré contre Urie, le mari de Bathshéba afin de camoufler le péché, récit rapporté en détail dans la Torah-Ancien Testament 1. Hamidullah, quant à lui, pense que le Coran fait ici bien allusion à cet épisode de la vie de David. Je partage son point de vue pour deux raisons. La première, c 'est que la parabole des 99 brebis d'un côté et de la brebis unique de l'autre, se retrouve dans le Coran et dans la Bible ; la seconde raison, c'est que le verset 26 de la même Sourate semble clairement indiquer la nature de la faute commise par David :
Mais qu'il s'agisse de l'adultère ou non, le texte fait clairement référence à un péché particulier, pour lequel David demande pardon en tombant sur ses genoux et en s'inclinant, et « Dieu LE lui pardonna ». 6. Au verset 35 de la même Sourate (Sâd ) Salomon implore :
bien que la nature de son péché n'apparaisse pas clairement ; peut être se reproche-t-il d'avoir aimé les chevaux plus que Dieu ? 7. Arrêtons-nous plus longuement au cas du prophète Jonas. I1 avait délibérément refusé d'obtempérer à l'ordre de Dieu qui lui avait commandé d'aller à Ninive pour avertir ses habitants. Jonas s'embarqua pour fuir loin de Dieu. Voici comment la Sourate des Rangées en rangs (AI-Sâffat) 37.142-144, de la période mecquoise primitive, poursuit le récit :
Le cri de repentance de Jonas dans le ventre du poisson est rapporté dans la Sourate des Prophètes (Al-Anbiya' ) 21.87, de la période mecquoise intermédiaire :
Ainsi Jonas reconnaît qu'il a été un « prévaricateur » ou un « injuste » (D. Masson) : Dieu lui-même le qualifie de « blâmable », ce mot déjà employé par le Coran à propos de l'attitude de Pharaon que Dieu précipita dans la mer (Sourate 51.40). Dans les versets mentionnés, nous avons donc constaté que sept prophètes , dont deux furent aussi des messagers, se désignent eux-mêmes comme pécheurs ou sont qualifiés tels par Dieu, et invités à se repentir. Si le péché de Noé ou de Salomon paraît « bénin » car il traduit une disposition du coeur fort répandue, en somme presque « normale », ces hommes n'en sont pas moins exhortés à demander pardon. Plus grave est le cas d'Adam et de Jonas. Du premier le Coran affirme qu'il s'est « rebellé » (`asâ) en « assignant des Associés (shurakâ' ) à Dieu ». Quant au second, il est jugé « blâmable » (mulim) pour avoir refusé d'obéir au commandement de Dieu. Abraham demande un pardon particulier pour « son péché (khatia) » ; quant aux deux messagers, Moïse et David, ils doivent se repentir l'un d'avoir commis un meurtre, l'autre un adultère suivi d'un meurtre. Si on peut estimer que le geste meurtrier de Moïse est accidentel et non prémédité, il n'en va pas de même pour David qui reste pleinement responsable des actions répréhensibles commises. Nous avons donne des preuves fournies par le Coran que, contrairernent aux allégations de certains musulmans, les prophètes et les messagers n'ont pas été à l'abri de grands péchés. Un juge de la Cour d'Appel de Tanger avait affirmé un jour que des actes, considérés comme péchés lorsqu'ils sont commis par des gens ordinaires, ne l'étaient plus lorsqu'ils étaient accomplis par des prophètes. Je le mis alors au défi de me dire lequel serait plus sévèrement puni à son tribunal : celui qui connaît la loi et la transgresse, ou celui qui la transgresse sans la connaître ? Il me répondit aussitôt que c'est la personne qui transgresse la loi en pleine connaissance de cause qui mérite la sanction la plus sévère. La leçon est donc claire : la responsabilité d'un prophète ou d'un messager qui pèche est aggravée, et non atténuée. Le Coran souscrit pleinement à cette affirmation. Dans la Sourate des Coalisés (AI-Ahzâb) 33.7-8, de l'an 5-6 de l'Hégire, il est dit que Dieu a conclu une « alliance solennelle » avec les prophètes et avec les apôtres, une alliance qu'il n'a pas exigée de la part des autres gens. Et c'est en fonction de cette alliance que Dieu jugera de leur fidélité :
En résumé, nous pouvons affirmer, simplement mais avec force, que d'après le Coran, les prophètes et les apôtres sont, eux aussi, susceptibles de pécher. 8. Nous en arrivons ainsi à aborder un sujet délicat - et qui risque de causer de la peine au lecteur - , mais, dans notre quête de la vérité, nous ne pouvons pas éluder la question. Que dit le Coran de Muhammad à l'égard du péché ? En est-il préservé ? Nous allons passer en revue les versets qui en parlent, en respectant l'ordre chronologique de leur révélation. Celui qui se couvre (Al Muddathir) 74.1-5 sourate mecquoise très ancienne :
Le dernier verset est traduit ainsi par Hamidullah : « Et de ce qui irrite Dieu, écarte-toi. » La Clarté du jour (AI-Duhâ) 93.6-7, sourate mecquoise ancienne :
C'est ce même mot qui est employé dans la Sourate du Prologue (A1-Fatiha) 1.6-7, qui remonte à la période mecquoise primitive, et que tout musulman récite plusieurs fois par jour :
L'Ouverture (A 1am nashrah ) 94.1-7 :
Il est bon de faire le parallèle entre ces versets et ceux qui décrivent le sort des incrédules en enfer, tels que les rapporte la Sourate mecquoise tardive des Bestiaux (AI An`âm) 6.31 :
Je rappelle au lecteur que nous avons étudié ce mot de « fardeau » dans notre première section et que nous avons vu que « nul ne peut porter le fardeau d'un autre » c'est-à-dire « qu'aucun pécheur ne peut porter le péché d'un autre ». Sourate « il s'est renfrogné » (`Abasa) 80.1-1 l, période mecquoise primitive :
Muhammad est repris pour avoir fait preuve de favoritisme. Hamidullah ajoute ici une note : « Ainsi la révélation n'est-elle pas toujours complaisante au Prophète. » Le Croyant (AI-Mü'min) 40.55, sourate mecquoise tardive :
Muhammad 47.19, an 1 de l'Hégire :
Les Femmes (A1 Nisâ' ) 4.105-107, an 5-6 de l'Hégire :
Les mots entre parenthèses, ajoutés par un traducteur, ont été placés à cet endroit, car, d'après la plupart des commentateurs cités par Yusuf Ali, cette révélation fut donnée à Muhammad au moment où celui-ci était tenté de prendre le parti d'un musulman coupable contre un juif innocent. La Victoire (Al Fath ) 48.1-2, an 6 de l'Hégire :
Le Repentir (Al-Tauba) 9.43, an 9 de l'Hégïre :
Muhammad est repris pour n'avoir pas cherché la volonté de Dieu, ou pour avoir décidé trop hâtivement d'exempter certains du combat. Le Secours (Al-Nasr) 110.3, an 1O de l'Hégire, quelques semaines avant la mort de Muhammad :
Nous pourrions résumer toutes ces données ainsi : Muhammad n'a pas commis des péchés aussi graves que ceux que le Coran attribue à Adam, à Jonas et à David. Les actions que Muhammad a commises et qui lui sont reprochées dans les versets examinés sont des fautes que commettrait facilement n'importe quel chef ; de nombreux prophètes qui ont vécu avant lui ont connu les mêmes faiblesses. Nous ne savons pas comment il faut interpréter exactement l'allusion « ton péché » (danbika), mais nous devons reconnaître que Muhammad, au même titre que les prophètes et messagers évoqués précédemment, n'était pas sans péché. Le lecteur sera peut-être déçu, voire irrité par cette conclusion. En examinant cet aspect, nous ne cherchons pas à en faire un sujet de joie, mais à déblayer le terrain en vue d'aborder la grande question de l'intercession. J'avais rappelé, au début de cette section, les paroles d'un directeur d'école primaire qui affirmait qu'en vertu de l'intercession de Muhammad, aucun musulman ne resterait en enfer. Abi `Abdallah Sulimân Al jahuli a publié un de ces fameux « livres jaunes » que l'on trouve dans toute l'Afrique du Nord, et même à Marseille, intitulé « (dalâ'i1 a1-khairat) (« Preuves du Béni ») dans lequel Muhammad est présenté comme :
Dans une section qui a pour titre : « Deux cent-un noms de Muhammad », il est appelé :
D'autres sections font état de ses autres noms, tels que :
même des noms divins lui sont attribués :
Ce livre est si répandu et si connu que deux infirmiers d'un dispensaire dans lequel j'ai travaillé en Afrique du Nord en chantaient de longs extraits par coeur. Et puis, il y a cette histoire entendue au Maroc et en Tunisie :
Abreuvées de ces histoires et de ces credos, les populations d'Afrique du Nord ont acquis la conviction que l'intercession de Muhammad est la chose la plus certaine et la plus efficace qui soit. C'est pourquoi nous nous sentons contraints d'examiner le Coran pour voir s'il fournit réellement un support à la croyance si répandue dans l'Islam populaire selon laquelle Muhammad serait investi du pouvoir d'intercession au jour du Jugement. L'intercession au jour de la résurrection d'après le CoranLe Coran mentionne 26 fois le verbe « il intercède » (shafa`a ) et ses noms dérivés en relation avec Dieu6. A l'exception d'un verset que j'examinerai séparément, les autres références se classent en trois groupes. Passons-les en revue, en tenant compte du contexte, chaque fois qu'il s'avérera indispensable à la compréhension et à la démonstration. l. Aucune idole ni aucun faux-dieu ne pourra intercéder Celui qui se couvre (Al-Muddathir) 74.48, Sourate mecquoise très ancienne. L'idée est présente sous deux mots différents :
Ya-Sïn 36.23, Sourate de la période mecquoise intermédiaire :
Les Byzantins (AR Rüm) 30.13, Sourate de la période intermédiaire :
Les Poètes (Al-Shu`arâ') 26.100-101, Sourate mecquoise de la période intermédiaire :
Al A`raf 7.53, Sourate mecquoise tardive. L'idée est exprimée par le verbe et par un nom :
Le Croyant (Al-Mü'min) 40.18, Sourate mecquoise tardive :
Les Bestiaux (AI An`âm) 6.94, Sourate mecquoise tardive :
Jonas ( yunus) 10.18, Sourate mecquoise tardive :
La Vache (AI-Baqara) 2.48, an 2 de l'Hégire :
La Vache (AI-Baqara) 2.123, an 2 de l'Hégire :
La Vache (AI-Baqara) 2.254, an 2 de l'Hégire :
2. Dieu seul a le pouvoir d'intercéder Les Groupes (A1-Zumar) 39.43-44, Sourate mecquoise tardive :
Les Bestiaux (Al-An`âm) 6.70, Sourate mecquoise tardive :
Les Bestiaux 6.51 :
Le Prosternement (AI-Sajda) 32.4, Sourate de la période mecquoise intermédiaire :
3. Seul Dieu accorde la permission d'intercéder L'Etoile (Al-Najm) 53.26, Sourate mecquoise ancienne :
Saba 34.23, Sourate mecquoise ancienne :
Les Prophètes (A1-Anbiyâ') 21.28, Sourate mecquoise de la période intermédiaire :
*** Ce verset confirme l'idée émise par les précédents passages, à savoir que celui qui peut bénéficier de l'intercession doit être agréé par Dieu. Marie (Maryam) 19.87, Sourate de la période mecquoise intermédiaire :
Ta-Hâ 20.109, Sourate de la période mecquoise intermédiaire :
Jonas (yunus) 10.3, Sourate mecquoise tardive :
La Vache (AI Baqara) 2.255, Sourate de l'an 2 de l'Hégire :
*** Ces quatre versets sont clairs : nul n'a le droit d'intercéder, à moins que Dieu ne le lui permette. 4. Intercession que par celui qui rend témoignage à la vérité Il y a encore un verset qui traite du sujet de l'intercession. Mais je le cite à part car il ajoute une précision quant à celui qui seul peut intercéder. C'est ce que nous découvrons dans la Sourate de l'Ornement (A1-Zukhruf ) 43.86, Sourate mecquoise tardive :
La question fondamentale est alors celle-ci : quelle est la personne qui rend témoignage à la vérité ? Dans la note qui accompagne ce verset, Yusuf Ali déclare que beaucoup de commentateurs appliquent ce verset à tout messager qui annonce l'évangile de l'Unique. D'autres - et Yusuf Ali se range parmi eux - pensent plutôt qu'il ne peut s'agir que de Muhammad. Le verset ne permet pas de trancher. On est donc réduit à formuler des hypothèses. Est-ce Abraham ? Est-ce Muhammad ? Est-ce Moïse ? Est-ce Jésus ? Jésus est certes le seul prophete à avoir affirmé : « Moi, je suis la vérité ». Bref, nous ne savons pas de qui il s'agit. Résumons. Nous avons rencontré à 13 reprises dans les 11 versets examinés, le verbe intercéder ou le nom intercession. Nous avons appris qu'il est stupide et vain de penser que des idoles inertes intercéderont au jour du Jugement ; le même mot d'intercession cinq fois répété dans quatre versets souligne que seul Dieu a le pouvoir d'intercéder ; enfin, au sujet des conditions requises par l'intercesseur, il a été clairement établi : a) que nul ne peut intercéder - pas même les anges - sans la permission de Dieu ; b) que seuls ceux que Dieu agrée peuvent bénéficier d'un ministère d'intercession ; c) que seul celui qui rend témoignage à la vérité peut intercéder. 5. Autres versets qui traitent de ce sujet, sans que le mot « intercession » soit explicitement mentionné D'autres versets tirés du Coran présentent les mêmes enseignements que ceux relevés précédemment, mais avec des mots et des expressions différentes. Le Bris (AI Infrtâr) 82.19, Sourate mecquoise ancienne :
La Nouvelle (An-Naba') 78.37-38, Sourate mecquoise ancienne :
Les Bestiaux (Al An`âm) 6.164, Sourate mecquoise tardive :
*** Nous avons montré dans la première section que la partie imprimée en caractères gras figurait aussi dans les passages suivants : 17.15 ; 35.18 ; 39.7 ; 53.38. Prophètes qui ont eu ordre de prier pour autruiCertains versets du Coran parlent de prophètes qui ont reçu l'ordre de prier en faveur du peuple et d'implorer le pardon pour lui. Pour chacun des prophètes passés en revue, nous examinerons les passages dans l'ordre de leur communication. 1.Textes concernant Muhammad. Muhammad 47.19, an 1 de l'Hégire :
La famille d'Amram (Al `Imrân) 3.159, an 2 de l'Hégire : Dieu dicte à Muhammad la conduite à tenir à l'égard des soldats qui lui furent désobéissants à Uhud :
Les Hypocrites (Al-Munâfrqün) 63.5, an 4-5 de l'Hégire ; le texte des hypocrites qui prétendent croire, mais :
Les Femmes (An-Nisâ') 4.64, an 5-6 de l'Hégire ; il est question de croyants hypocrites qui refusent de revenir à Dieu :
La Lumière (An-Nür) 24.62, an 5-6 de l'Hégire. Le contexte fait allusion à ceux qui demandent congé dans une affaire d'intérêt commun:
L'Examinée (AI Mumtahina) 60.12, an 8 de l'Hégire. Ce verset envisage le cas de femmes qui se tournent vers l'Islam :
Le Repentir (At-Tauba) 9.103, an 9 de l'Hégire. Ce passage définit l'attitude de Muhammad vis à vis des arabes du désert :
Au premier abord, ces versets semblent donner du poids à la doctrine de l'intercession spéciale de Muhammad. Cependant, aucune de ces prières n'a un lien quelconque avec le jour du jugement ; de plus, comme nous allons le voir maintenant, le Coran présente d'autres prophètes qui ont accompli un ministère identique. 2. Noé a prié pour sa famille et pour son peuple, aussi bien que pour lui-même. Sa prédication est rapportée dans la Sourate mecquoise ancienne de Noé (Nüh) 71.2-4, 7, 10 :
Au verset 28 de la même Sourate, il est dit :
3. Abraham pria certes pour lui-même, mais aussi pour les autres. Abraham (Ibrâhim) 14.41, Sourate mecquoise tardive :
Les Poètes (Al Shu'ara') 26.86, Sourate de la période mecquoise intermédiaire. C'est un extrait de la prière d'Abraham :
La Sourate tardive de Houd (Hüd) 11.74 rapporte qu'Abraham est même intervenu en faveur du peuple d'un autre prophète, son propre neveu Loth :
4. Jacob est présenté comme ayant demandé pardon pour les péchés de ses dix fils. C'est ce que nous rapporte la Sourate mecquoise tardive de Joseph ( yusuf ) 12.97-98 :
5. La Sourate mecquoise tardive de AI A`raf 7.148-156 raconte l'histoire du veau d'or ; le verset 155 rapporte la prière de Moïse :
Récits bibliques relatifs à des prophètes qui ont prié pour d'autresLa Bible rapporte de nombreux cas de prophètes qui ont exercé un ministère d'intercession de la même nature que celui examiné dans le Coran. l. La Torah (Exode 32.31-32) rapporte la prière de Moïse dont nous venons de lire la version dans le Coran :
2. Daniel, le prophète rapporte ainsi sa prière :
3. Amos, le prophète prie en ces termes :
4. Job fut invité par Dieu à prier pour ceux qui l'avaient accusé de péché :
5. Paul prie pour ses frères et pour la nation juive :
Le passage suivant révèle à quel point une flamme intense brûlait dans le coeur de Paul :
6. La Bible rapporte aussi le cas d'un homme à qui Dieu demande de ne plus intercéder. Il s'agit du prophète Jérémie à qui Dieu s'adresse en ces mots :
L'examen de ces nombreux textes du Coran et de la Bible nous a révélé qu'il a toujours existé des prophètes qui ont intercédé pour leur contemporains vivants. Nous n'avons pas trouvé, dans le Coran, un seul verset qui annonce que l'un quelconque de ces prophètes - de Noé à Muhammad - aura, au jour du jugement, le pouvoir d'intercéder. La seule source d'information d'une telle croyance pourrait provenir d'un hadith. L'intercession au jour du jugement, d'après le HadithAu moment où j'eus à coeur de consulter la littérature des hadiths sur ce sujet, je découvris dans une librairie un exemplaire du livre de An-Nawawi Quarante Hadiths. Je me suis dit que ce livre faciliterait mes recherches. Il me semblait probable que s'il existait un hadith qui parle de l'intercession au jour du jugement, ce grand spécialiste de la littérature des habits en aurait certainement inclus un dans sa collection. A mon grand étonnement , pas le moindre hadith n'aborde la question ! Voici ce que déclare T P Hughes dans son article sur le mot « intercession » relevé dans son ouvrage Dictionary of Islam, en rapport avec le Hadith :
L'auteur de sharh-il Mawaqif déclare (p. 588) :
Je n'ai pas fait une étude personnelle poussée des hadiths, comme je l'ai fait pour le Coran. Mais l'article ci-dessus montre clairement que les hadiths émettent des opinions peu nombreuses, et de plus, contradictoires. Il y a si peu de preuves en faveur de l'intercession de Muhammad au jour du jugement que les Mu`tazilites - musulmans rationalistes du deuxième siècle de l'Hégire - pouvaient affirmer catégoriquement que l'intercession de Muhammad ne mettait pas à l'abri du péché. Il n'est cependant pas nécessaire de remonter jusqu'aux Mu`tazilites pour trouver un support à cette doctrine. Le fondateur des Wahhabites , Muhammad Ibn `Abd al-Wahhab a écrit un livre intitulé Le livre de l' Unité vers la fin du 18e siècle, dans lequel il « condamne les croyances communément admises du pouvoir des saints et des hommes pieux, et les pratiques qui en découlent, notamment le culte des saints et les visites aux tombeaux ; il s'en prend aussi à la confiance placée dans l'intercession du Prophète et des saints, tout ce qui constitue en somme le fondement de la piété populaire. »7 La position islamique récente face à l' « intercession » a fait l'objet d'un article paru dans The Muslim World League Journal de mai-juin 1983. Sous le titre « Le concept islamique de Dieu et du Prophète » Cheikh Gamal alBanna écrit :
Deux hadiths vont dans le même sens que l'affirmation de Cheikh al-Banna et que les croyances des Wahhabites, et s'opposent a 1'idée d'une intercession offerte par Muhammad. Le premier hadith est rapporté par Bukhari, au chapitre XXX du livre Témoignages. Dans ce chapitre intitulé « de la consultation du sort », l'auteur rapporte l'incident suivant.
Le second hadith se trouve à la page 128 du livre Prophet Muhammad and His Mission publié en 1967 par Athar Husain. L'auteur déclare :
Que conclure ? Si Muhammad ne pouvait pas intercéder en faveur d'un disciple musulman si fervent qu'il avait renoncé à sa maison et à sa famille pour suivre Muhammad, ni en faveur de sa propre fille croyante, en faveur de qui pourrait-il bien intercéder ? Rien dans le Coran ni dans les hadiths n'accrédite la croyance populaire mentionnée plus haut et qui se terminait par ses mots : « Ma nation, ma nation. » Au lieu d'intercéder pour les autres, les prophètes cherchent pour eux-mêmes un moyen de s'approcher davantage de Dieu. C'est ce qui ressort de la Sourate du Voyage nocturne (Al Isra') 17.57, de l'an 1 de l'Hégire :
Plutôt que de nous présenter des versets qui affirment que Muhammad priera un jour en faveur des croyants, comme beaucoup l'espèrent, la Sourate des Coalisés (Al Ahzab) 33.56, déclare même que Dieu et les anges prient pour Muhammad et invite les croyants à prier pour lui et pour son salut :
C'est en raison de ce commandement que chaque fois qu'un musulman mentionne Muhammad par son nom, il ajoute cette prière en faveur de son salut. L'ouvrage de 200 pages, Preuves du Béni, mentionné plus haut, contient de multiples encouragements à prier en faveur de Muhammad. Souvent , l'intercession de Muhammad en faveur de quelqu'un est directement liée à la prière de ce dernier pour Muhammad, comme le prouvent les citations suivantes :
Malheureusement beaucoup de gens ont reçu ces idées, les propagent et espèrent qu'elles sont vraies, alors qu'elles ne trouvent aucun support dans le Coran. Deux des tout premiers musulmansPour conclure cette section, nous allons observer l'attitude qu'ont adoptée deux des premiers et des plus grands musulmans, au moment où ils ont senti la mort s'approcher. Après avoir étudié l'Islam pendant de nombreuses années, Jens Christensen écrit ceci :
Avez-vous bien remarqué ces deux petits mots « si » ? Il n'y a rien dans l'islam qui puisse les ôter ; pas même le fait qu'Abu Bakr ait hérité du titre de `Atiq (libre) en vertu d'une parole que Muhammad lui aurait adressée : Tu es libre (épargné) du feu. T. P Hughes cite les paroles d'Omar :
Pourtant, sur son lit de mort, Omar aurait dit :
Avez-vous remarqué où se situe le problème d'Omar ? Dans l'incertitude que rend admirablement le petit mot « si » de la dernière phrase. Ce « si » ne traduit pas un doute d'Omar en regard de sa foi, ou de sa croyance au Dieu unique, ou de la confiance placée dans le Prophète, ou de la qualité de sa vie morale. Toutes ces choses étaient en règle, pour autant qu'elles peuvent l'être dans la vie d'un homme. Le « si » s'applique à Allah ; « s'il » ne plaisait pas au Seigneur de lui pardonner. Personne ne peut savoirLors des funérailles de son père Omar, Yazid aurait déclaré :
Voici donc à nouveau dans la bouche d'un musulman ces deux petits «si»: Si Allah pardonne... Si Allah châtie... Cette réflexion de Yazid me semble parfaitement résumer le fond de l'Islam.12
En d'autres mots, Allah exige une soumission absolue de chaque homme, mais lui-même ne s'engage jamais à révéler quoi que ce soit à ses serviteurs, considérés comme des individus. Ceux-ci n'ont aucun moyen de savoir s'ils seront sauvés ou non. La Sourate des Poètes (AI Shu`arâ') 26.82, de la période mecquoise intermédiaire traduit fort bien cette incertitude qui caractérise le musulman. Dans ce verset Abraham parle du « Seigneur des mondes... qui me fera mourir puis me donnera la vie (Abraham est certain de ces vérités), et dont je convoite (atma`) qu'Il me pardonne ma faute, au jour de la Rétribution. » (Ainsi, pour ce qui est de son pardon, Abraham ne peut « qu'espérer ».) Au verset 51 de la même Sourate, Moïse et Aaron déclarent à Pharaon :
Rappelons encore le passage de la Sourate 17.57, déjà mentionné :
Pour clore ce chapitre, nous allons encore citer trois textes du Coran qui prouvent très clairement que même ceux qui auront fait de leur mieux ne peuvent s'attendre qu'à un « peut-être » de la part de Allah. Dans la Sourate mecquoise tardive du Récit (Al Qasas) 28.67, Dieu déclare à ses croyants :
La même idée est reprise dans la Sourate de l'Interdiction (Al Tahrim) 66.8, de l'an 7 de l'Hégire :
Enfin, dans la Sourate du Repentir (A1-Tauba) 9.18, de l'an 9 de l'Hégire, donc l'une des dernières Sourates du Coran, Allah déclare :
Par conséquent, au dernier jour, chacun se trouvera seul, tout seul, devant un avenir peu rassurant. Si la personne ne croit pas, elle est assurée d'aller en enfer ; mais même si elle croit, elle se tiendra toute seule devant Dieu au jour du jugement. Elle n'aura ni intercesseur, ni ami ; son seul espoir est de pouvoir « être », peut-être, parmi les bénis.
1 Voir 2 Samuel 11 et 12, ainsi que le Psaume 51 qui rapporte la confession de David.[retourner au texte] 2 Editions, Al-Manar, Tunis, 1964, pp. 63-64. [retourner au texte] 3 Ibid , pp. 25-30.[retourner au texte] 4 Ibid. , p. 92. 4[retourner au texte] 5 Ibid, p. 158.[retourner au texte] 6 Des mots formés sur cette même racine se retrouvent quatre fois dans la Sourate 4.85 et une fois dans la Sourate 89.3, sans aucune référence à l'intercession auprès de Dieu.[retourner au texte] 7 Rahman, Islam, op. cit., p. 197.[retourner au texte] 8 The Muslim World League Journal, vol. 10, n° 8, p. 9.[retourner au texte] 9 Sulimân Al-Jazuli, op. cit., pp. 15-16.[retourner au texte] 10 Cette citation relative à Abu Bakr, ainsi que celles qui suivent, sont tirées de The Torch of Guidance to the Mystery of Redemption, traduit en anglais par Sir W Muir et imprimé par la société des tracts religieux, Londres.[retourner au texte] 11 Hughes, op. cit., p. 654.[retourner au texte] 12 The Practical Approach, Cours par correspondance, Pakistan, p. 379. Nouvelle publication en 1977, p. 379. [retourner au texte] 13 Ibid., p. 381.[retourner au texte] |